Sus à l’hérésie ! ne versez plus une goutte de rouge sur vos fromages ! On ne vous le dira jamais assez, sur ces mets c’est au vin blanc qu’il faut penser. Fini le quart de rouge au camembert, place aux accords qui flattent les papilles.
Et pourquoi donc me direz-vous ? Tout simplement parce que les vins rouges, riches en tanins, souvent amers, s’accordent mal avec le goût prononcé des fromages de nos régions (parce que pour les fromages en plastique sans goût, pas de problème). Une fois cette affirmation posée, cela ne règle pas le problème. 140 fromages et 450 appellations françaises, ça en fait des possibilités d’associations…
Pour s’y retrouver, mieux vaut penser en termes de profils de vins et de familles de fromages. Une règle simple : fromage discret, vin simple et léger. Passons en revue les troupes (le site des produits laitiers, ceux dont les jeunes gens se barbouillent le visage d’un air vaguement sensuel à la télé, servira de référence).
Le jeu des huit familles de fromages
Les fromages frais ou fromages blancs (non affinés) : leur goût très léger rend difficile l’accord avec les vins. Préférez l’eau, ou des vins discrets à l’acidité marquée, comme le sylvaner, le Pouilly-sur-Loire ou le Bourgogne aligoté.
Les pâtes molles à croûte fleurie (Brie, camembert, cœur de Neuchâtel…) : des vins blancs septentrionaux feront l’affaire, point trop fort, essayez des pinots blancs par exemple. Mais les meilleurs vins sont les pétillants, Champagne évidemment, mais aussi les crémants, très accessibles financièrement.
Les pâtes molles à croûte lavée (Epoisse, Munster… ) : vu la puissance aromatique de ces fromages, il convient de faire appel aux vins les plus exubérants, capables de rivaliser, c’est-à-dire les vins d’Alsace. Choisissez de préférence un Gewürztraminer, un muscat ou un pinot gris.
Les pâtes pressées non cuites (Tome, Cantal, Reblochon…) : les blancs de bourgogne feront très bien l’affaire. Prenables jeunes, sur la fraîcheur, ils souligneront la délicatesse des fromages.
Les pâtes persillées (Bleu, Roquefort…) : optez pour des vins blancs liquoreux, type Sauternes et Monbazillac, le sucre et les parfums de miel s’accorderont parfaitement à la pointe d’acidité et de salinité de ces fromages et à l’intensité de leurs parfums.
Les pâtes pressées cuites (gruyère, comté…) : les vins à base de chardonnay (les Bourgognes blancs) semblent les plus appropriés. Choisissez les plus complexes avec des fromages plus affinés. Pour les plus vieux, tentez les vins du jura, avec du Savagnin, leurs notes oxydatives de noix se marieront très bien avec les saveurs corsées de ces fromages.
Les chèvres : frais, ils se marient très bien avec des vins vifs et légers, à base de sylvaner, de sauvignon, de chenin… Plus corsés, essayez par exemple les mêmes vins, mais plus âgés, ils perdent en acidité et gagnent en complexité.
Les fromages fondus (raclette…) : le plus simple est de prendre les vins de montagne, bien acides, type Savoie ou chasselas du Valais (en Suisse). On peut sinon lorgner du côté de l’Alsace avec le sylvaner ou à la rigueur un Riesling bien droit, minéral et sans sucres résiduels.
Et si je veux du rouge ?
Rien à faire, on vous a dit que seul le vin rouge était bon pour la santé, et vous vous faites un point d’honneur à lui réserver l’exclusivité. Deux conseils : vins fruités et légers sur les fromages légers, visez donc les gamays et pinots noirs jeunes, avec peu de tanins. Sur les fromages plus forts, à base de lait de brebis, accompagnez-les de confiture (cerises, mûres, coings…) et servez un rouge du sud-ouest en accompagnement.
En guise de conclusion
Evidemment, il est certains repas où l’hôte se doit de céder aux caprices de ses invités. Imaginez les commentaires du beau-père, habitué au sempiternel vin de Bordeaux pour seul breuvage, à qui vous faites l’affront de ne proposer que du blanc pour accompagner votre plateau ! Pour le contenter, et éviter de passer pour un rustre ou pire risquer l’incident diplomatique, proposez-lui deux vins, le rouge servi sur le plat, et le blanc, sélectionné pour l’occasion.